La Truie Histoire Rurale

La Truie Histoire Rurale

Récit de la Truie et de ses amours.


Cette histoire est basée sur une véritable histoire racontée par un Aîné du hameau. Dans un petit village, vit un vieux couple, il est dans sa quatre vingt huitième année et elle a à peu près quatre vingt quatre ans. Ils sont nés entre deux guerres et dans ces temps là presque toutes les fermes, afin de subvenir à leurs besoins, avaient des poules, lapins, canards, oies, cochons et vaches.


Il était tout jeune garçon encore lorsqu’il fut invité par son père à l’accompagner ce soir là pour aller à la ferme qui était perchée à quelques kilomètres de là sur la colline. Souvenez vous qu’il n’y avait pas encore de télévision et qu’ils passaient et partageaient leurs soirées souvent en compagnie les uns des autres autour de simples activités.

Comme celle de trier les lentilles sur la longue table grâce aux petits doigts et yeux vifs des enfants ou pour les anciens à casser les noix afin de les mettre à l’abri des rongeurs!

Et ce soir là allait être pour lui un de ces moments magiques qu’il aimait tant. Il savait que c’était la saison où la truie était en chaleur et que son père l’emmenait au verrat. Et ce soir là son père l’avait invité à se joindre à lui pour cette tâche. Il ramassa la baguette souple que son père utilisait pour guider la truie sur la route chaque année, et il mit ses galoches de bois et son manteau en laine épaisse et attendit son père près de la porte de la porcherie.

Celui-ci arriva avec une longue ficelle à la main ayant chaussé ses galoches et enfilé son épais manteau et il se dirigea vers la porcherie. Là son père entra seul afin de faire coulisser la ficelle sur la patte arrière droite et aussi sur la patte avant gauche ayant prit grand soin de croiser celle ci, afin que la truie ne puisse pas s’échapper ou se blesser!

Et oui, c’était à nouveau la saison après l’automne et juste avant les fêtes de Noël et de fin d’année, lorsque leur truie était à nouveau en chaleur et c’était aujourd’hui. Il se sentait fier d’être aux côtés de son père maintenant qu’il avait huit ans et qu’il était assez costaud pour qu’on lui donne la tâche de guider la truie au devant d’eux sous l’œil vigilant de son père. Ils marchèrent en silence, la nuit était glaciale et on sentait la neige  là tout près, qui était dans l’air!

Après quelques kilomètres et la montée rude de la grande côte et plus d’une heure de marche, ils virent enfin la lumière de la ferme où ils se rendaient là où le verrat attendait la truie avec impatience certainement! Le fermier était déjà là sur le pas de sa porte tenant une lampe à la main, la bougie à l’intérieur vacillait doucement dès qu’un courant d’air froid venait la toucher.

Si ce n’était pour cette lumière les guidant là bas, la nuit était bien noire et ils ne virent âme qui vive sur cette route à pareille heure. Mais de ce temps là, il y avait bien peu de voitures sur les routes et on faisait tout à pied, même d’accompagner vaches, cochons et veaux au marché de la ville la plus proche une fois par mois!


La truie à l’approche de la ferme précipita son pas malgré la ficelle entre ses jambes, sentant déjà le parfum du verrat et sa présence. Ce fut chose facile que de la laisser entrer en sa compagnie et de refermer le loquet derrière les amoureux, comme au jour des noces.


Ils entrèrent tous deux dans la grande pièce de vie, invités par le fermier et sa femme et ce grand feu de bois qui venait déjà leur réchauffer le cœur. Le fils tout content alla jouer avec les autres enfants assis à même le plancher près du feu, ils jouaient aux billes ou cassaient quelques noix trouvées sous la table où elles avaient roulées.

Pendant que son père assit à la table avec son ami le fermier et sa famille trinquait joyeusement en buvant leur gnôle à la prune faite maison. Ils étaient tous là près de ce feu qui les réchauffait tous, levant un verre et puis un autre à la nouvelle Année et surtout à la Santé. Noël frappait déjà à la porte et les festivités du Nouvel An étaient dans l’air.


Quelques aînés dont c’était le rôle chaque année car ils faisaient cela très bien,  cassaient les noix en deux parties sur un coin de table et séparaient les cerceaux des coques afin de les mettre en sûreté à l’abri des rongeurs!

La fermière prit des châtaignes dans un bahut en bois, et elle en fendit quelques poignées, assez pour tous. Puis les déposa dans la poêle près trouée, posée sur un trépied, ayant mis dessous des braises rougeoyantes. Bien vite une odeur douce et sucrée s’installa tout autour d’eux et c’était bon et tout cela faisait chaud au cœur.


Pendant ce temps, le garçon de temps à autre contemplait l’arrière arrière grand mère tricotant sur cinq aiguilles une longue chaussette grise qui n’en finissait pas  de s’étirer! Il en était tout étonné en se demandant à qui elle pouvait aller! L’aïeule  était là calme assise à droite du grand feu, les joues ridées et cependant animées par la lueur des flammes encore si pleines de vie. Elle ne disait mot, intégrée dans le recoin de cette cheminée ancienne, mais on sentait sa présence à leurs côtés se vivre d’un souffle plus lent et posé!.


Et vous devez vous demander, et les fermiers alors que faisaient t’ils ? Oh eux ils ont bavardé, refait le monde, échangé des idées pour la saison nouvelle et ils ont beaucoup bu et trinqué à l’année nouvelle sans oublier de trinquer à la truie et au verrat afin que tout se passa bien pour la portée des porcelets qu’ils se partageraient à la saison venue. 

Truie et son Porcelet en Intimité se parlant.
Après quelques heures de cet apéritif et échanges joyeux autour de la table, la fermière leur servit à tous un grand bol de soupe à l’oignon bien épaisse, de celles qui vous gardent le ventre bien au chaud par une nuit d’hiver.

Puis elle fit griller de longues tranches de pain de seigle pour accompagner celle-ci. Elle les avait coupé dans la tourte géante que le garçon contemplait les yeux écarquillés, car il n’en avait jamais vu d’aussi grosse!

Quel régal ce fut pour lui et pour tous!. Elle glissa au moment du départ une grande poignée de châtaignes bien chaudes à chacun d’eux et puis père et fils partirent rechercher la truie qui était là toute penaude lorsqu’ils ouvrirent la porte. Quant au verrat il s’était endormi et ronflait! Ils partirent heureux, de ces petits bonheurs qui sont fait de choses simples et de partages entre amis avec ceux sur qui on peut compter.


Son père remit la ficelle entre les pattes de la truie et on reprit le chemin du retour. Que la nuit était froide et noire pour le garçon qui tombait de sommeil mais continuait d’avancer ! Leurs pas étaient lents et son père titubait sur ses jambes ayant bu un verre de trop, tout en guidant la truie qui elle aussi titubait de bonheur. Il leur fallut deux bonnes heures pour rentrer au bercail.

A la maison, son père enferma la truie et tira le loquet de la porcherie afin qu’elle soit en sécurité et puis il rentra et mit son fils au lit et alla se recoucher, que c’était bon de s’allonger là bien au chaud après cette nuitée agréable.

Toc toc: on frappa à la porte quelques heures plus tard, il faisait encore nuit noire, le garçon entendit son père se lever à nouveau et ouvrir la porte. Un de leurs voisins était là une lanterne à la main éclairant leurs visages. Ta truie s’est échappée et elle est à nouveau chez le verrat  lui dit t’il !  Le fermier vient de m’appeler au téléphone pour te l’annoncer.

Il était le seul à posséder un de ces appareils magiques qu’on appelait téléphone, il y avait un long fil et aussi une poignée et manivelle que l’on devait activer puis dès qu’il y avait tonalité et une personne au bout du fil, alors on pouvait demander à être mis en contact avec un numéro particulier! C’était tout une affaire et il faillait surtout être patient; mais quelle magie!


Son voisin lui dit « va voir par toi-même si elle est là »! Son père incrédule remit ses sabots, son manteau et alla vers la porcherie et vit alors que la porte était grande ouverte! Sa truie s’était enfuie et avait prit la poudre d’escampette, pour aller retrouver son amoureux d’un soir!


Le garçon vit que son père n’était pas d’humeur à rire, c’était une nuit blanche pour eux. Il restait là planté devant la porte de la porcherie grande ouverte n’en croyant pas ses yeux, un peu choqué réalisant alors que sa truie était bel et bien partie rejoindre son amant d’un soir!


Il avait beaucoup neigé, le garçon n’attendit pas l’invitation de son père, il était déjà prêt sabots aux pieds, manteau et foulard autour du cou. Son père ne dit rien trop heureux d’un peu de compagnie auprès de lui. 

Ce fut chose facile que de suivre la truie, ayant laissé ses empreintes dans la poudreuse tout fraichement tombée. Et c’est à la ferme qu’elle les mena en pleine nuit, elle était amoureuse et était allée le rejoindre pour une deuxième fois ce soir là! Qui peut l’en blâmer!

 « Le père se souvint alors de ses premiers amours avec sa douce à ses côtés quand il était jeune homme et prenait lui aussi la poudre d’escampette afin de la rejoindre!. Elle en avait maintenant quatre vingt quatre et lui quatre vingt huit ans et pourtant c’était hier et ce jour de cette histoire de sa vie toujours aussi présente c’est aujourd’hui ».

Au chemin du retour, la route descendait drue et soudain devant eux, la truie épuisée glissa sur la neige et roula dans le fossé en contre-bas! La neige amortit sa chute cependant elle n’arrivait pas à remonter sur la route!


Le père se demanda  comment s’y prendre pour la ramener sur la route ? Ils se mirent tous les deux à l’escorter, l’un sur la route la guidant avec la baguette et l’autre le garçon en la guidant plus bas, là où le fossé et la route se rejoignaient enfin! Ouf quelle aventure cette nuit là ils vécurent ensemble le père et le fils et la truie dont les escapades amoureuses avaient tissé un lien entre les trois.


Lorsque cet aîné du hameau raconta son histoire et celle de son père quand il n’avait alors que huit ans alors, ses yeux pétillaient de malice et de joie et il en eut les larmes aux yeux tellement il riait de cette cette nuit là, se revoyant enfant derrière leur truie roulant dans le fossé telle une barrique de vin tout en étant aux côtés de son père partageant ces moments de soutien, et ayant passé une veillée magique avec lui et leurs voisins.


Et c’est pure joie que de raconter et de transmettre son histoire avec des mots qui sont les miens, mais cette histoire qui est la sienne et de le voir revivre le temps de se conter.

Il ne peut à ce jour plus marcher ni écrire mais il peut encore se dire! Cette histoire est un hommage à cette famille et aux anciens porteurs de tellement de souvenirs et de mémoires de temps passés; ici présents, lorsque hommes et animaux vivaient proches et communiquaient encore entre eux presque en égaux!